Les affiches illustrées prolifèrent elles aussi pendant la période contemporaine sous des formes très variées et ludiques, elles font la promotion de produits, d’une idée ou d’événements, souvent à travers un message humoristique.
Le français Raymond Savignac crée des affiches où l’ingéniosité et l’efficacité du message divulgué contrastent avec le dessin apparemment enfantin, c’est notamment le cas pour l’affiche politique Drogue, le gendarme sévit (1995), où un gendarme surdimensionné soulève par la peau du dos un malfrat portant une valise inscrite «drogue». Si le dessin semble naïf, le message est clair : « (L’affiche) sait qu’elle est éphémère et qu’elle n’a pas de temps à perdre. Ni à faire perdre. (…) elle pratique au plus haut degré son art de dire beaucoup avec rapidité et esprit. Un petit coup d’œil en passant et tout est vu et enregistré. (…) elle a la beauté de l’évidence et l’esprit de synthèse».
Savignac utilise la boutade pour sortir le passant de sa morosité et attirer son attention. Pour lui, l’humour est un moyen de faire passer un message de manière efficace et l’affiche en est le vecteur idéal : «La mise au point d’un gag graphique est un exercice de grande rigueur et de grande voltige».
Drogue, le Gendarme sévit
1995 – Raymond SAVIGNAC
CHF 230.–
Bernard Villemot dessine de nombreuses affiches publicitaires de produits qui jouent avec le spectateur à travers l’humour, elles agissent sur le public comme des charades visuelles. C’est par exemple le cas pour Perrier c’est fou (1981), qui montre un bateau sur une mer déchaînée dont les voiles sont constituées de bouteilles de boisson Perrier. Ou encore pour Chaussures Bally (1989) figurant une femme stylisée qui joue avec la terre comme avec un ballon de foot et qui suggère le message «avec les chaussures Bally de fabrication suisse, vous pourrez faire le tour du monde».
Chaussures Bally
1990 – Bernard VILLEMOT
CHF 1490.–
Ruedi Wyler, avec Zürcher Theater Spektakel (1991), se moque du spectateur lui-même à travers une affiche à l’humour débridé qui fait le portrait d’un amateur de théâtre bourgeois, caricatural et kitch. Toujours pour le Zürcher Theater Spektakel (1994), Edelweiss combine la typographie illustrée et la photographie dans une affiche à l’humour provocateur, pour le programme théâtral du festival en plein air de Zürich. Elle montre les dos d’un couple de mariés nu à l’exception de leurs couvre-chefs, au physique peu avantageux. Il semble que les années 1990 marquent la fin du «politiquement correct».
Enfin, les dessinateurs d’affiches de «la Ligne Claire» rassemblant des artistes tels que Joost Swarte, Ever Meulen, Yves Chaland, ou Ted Benoit, font preuve d’un humour plus grinçant, notamment pour faire passer de messages politiques. Les artistes de ce mouvement caricaturent les patrons, dirigeants et partis politiques sous la forme d’animaux en style «BD».
Mallemunt, Festival de théâtre et de musique
1983 – Ever MEULEN
CHF 350.–
Leurs dessins se caractérisent par l’utilisation de lignes simples d’épaisseur égale qui délimitent les espaces et de couleurs en aplats. Les illustrateurs de la Ligne Claire sont polyvalents et réalisent aussi bien des couvertures de livres, des pochettes de disques que des affiches. Leur travail qui prend racine dans l’œuvre du dessinateur belge Hergé, le père de « Tintin », se trouve à mi-chemin entre la bande-dessinée et l’illustration.
C’est le cas du dessinateur Emmanuel Excoffier, dit Exem, dans son affiche Non à la loi patronale (1989) qui montre un rat avide de pouvoir fumant le cigare. L’affiche Locataires, ne vous laissez pas étouffer, oui à la loi contre la spéculation foncière (2000), représente une pieuvre menaçante écrasant des maisons et des habitants entre ses tentacules géantes. Exem crée également des affiches pour des sujets évènementiels, locaux, sportifs, ou culturels, comme la « Course de l’escalade », la Fête des rues, le Salon du Livre ou les brocantes.
Non à la loi patronale contre la fonction publique
1989 – EXEM, Emmanuel EXCOFFIER
CHF 630.–
Les évènements culturels musicaux donnent lieu à diverses affiches humoristiques, qui utilisent le 9e art comme vecteur publicitaire, c’est le cas d’Eric Jeanmonod avec Festival du Bois de la Bâtie (1979), de Claude Luyet avec Genève, L’AMR aux Cropettes (1980), d’Ever Meulen et Eddy Flippo pour le festival de théâtre et de musique Mallemunt (1981), d’Aloys avec son affiche AMR Jazz, hommage à Charlie (1984) ou encore de Georges Schwitzgebel avec son affiche Festival du bois de la Bâtie (1985).
Par ces nombreux exemples, il apparaît que la tradition genevoise inscrit la bande dessinée dans l’histoire de l’affiche de façon significative.
Genève, L'AMR aux Cropettes
1980 circa – Claude LUYET
CHF 185.–