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Gil EVANS

(1912 – 1988)

Mocassins en cuir souple, bandeau aux motifs ethniques retenant sa chevelure grisonnante: lorsque Dany Gignoux le mitraille en 1987, sur le chemin d’une tournée italienne avec le Big Band Lumière de son fils spirituel Laurent Cugny, Gil Evans a des airs de chef indien plein de sagesse, de modestie et de bienveillance. L’arrangeur de génie sait-il qu’il ne lui reste alors que quelques mois à vivre? Les clichés de la photographe genevoise montrent en tout cas un homme souriant et serein, concentré sur son travail, le profil en ombre chinoise ou le visage encerclé d’un halo mystique. Comme s’il s’effaçait pour mieux laisser parler la musique. Raccourci visuel idéal d’une personnalité qui a marqué le jazz par son empreinte discrète mais essentielle, son habileté à mettre en valeur solistes et chanteurs au gré d’arrangements et d’orchestrations à l’équilibre suprême.

Gil Evans, de son vrai nom Ian Ernest Gilmore Green, naît à Toronto (Canada) en 1912, d’un père inconnu et d’une mère qui joint les deux bouts comme elle peut. Il hérite du nom de famille de son beau-père, qui travaille à la mine. Son enfance se déroule dans la pauvreté, la précarité et les déménagements incessants jusqu’à 1922, lorsque la famille s’établit en Californie. A Berkeley, Gil Evans découvre par hasard le jazz, en écoutant un concert de Duke Ellington. C’est le choc: le jeune garçon décide sur le champ de consacrer sa vie à la musique.

Il commence par transcrire d’oreille arrangements et solos entendus sur des disques. A 17 ans, il monte son premier groupe. Un agent le repère, Gil Evans enchaîne les collaborations, notamment avec Claude Thornhill. En 1941, les Etats-Unis entrent en guerre; le musicien, entretemps naturalisé américain, est mobilisé. De retour à la vie civile, il s’installe dans un petit appartement de la 55e rue à New York, où défile aussitôt la fine fleur du jazz moderne. C’est là que Gil Evans rencontre Miles Davis. Il écrit deux arrangements pour le trompettiste, enregistrés en 1949 et 1950 pour l’album Birth of the Cool.

Quand Miles signe un contrat avec Columbia en 1955, il fait de nouveau appel à Gil Evans. Entre 1956 et 1962, ils conçoivent ensemble quatre albums qui restent les références du jazz orchestral: Miles Ahead, Porgy and Bess, Sketches of Spain et Quiet Nights. Gil crée des arrangements dynamiques mais transparents où, aux côtés des cuivres, les instruments à vent de la tradition classique (flûte et cors, parfois hautbois et basson) créent des couleurs diaphanes qui subliment la trompette mélancolique de Miles Davis. Chaque album est un triomphe à la fois critique et commercial.

Gil Evans enregistre plusieurs albums sous son nom, tout en poursuivant ses collaborations, notamment avec la chanteuse Helen Merrill, dont le timbre voilé est parfaitement assorti aux fresques claires-obscures de l’orchestrateur. Dès la fin des années 60, il rajoute guitares et claviers électriques à sa palette pour obtenir une couleur plus rock. En 1970, un projet de collaboration avec Jimi Hendrix est stoppé net par la mort du génial guitariste.

Dans ses dernières années, sa réputation ne fait que grandir: Gil Evans collabore avec David Bowie et Sting, signe des orchestrations pour des musiques de films (La couleur de l’argent de Martin Scorsese), tourne et enregistre avec le Big Band Lumière de Laurent Cugny, jeune arrangeur et band-leader dont il aide la carrière naissante. Trois mois avant sa mort, Gil Evans enregistre un ultime album poignant et dépouillé, un duo piano-saxophone avec Steve Lacy: Paris Blues. Il s’éteint au Mexique le 20 mars 1988.

Gil Evans est un pianiste de big band jazz, arrangeur, compositeur et chef d'orchestre.