Dalcroze
fait pleurer le président de la Confédération
Le
clou (des festivités du centenaire de l'entrée de Genève dans
la confédération suisse), c’est évidemment le colossal
spectacle intitulé La
Fête de juin. Emile Jaques-Dalcroze, qui est une star à
l’époque, et une icône aujourd’hui, en a composé la musique.
Les textes, eux, sont signés par Daniel Baud-Bovy, poète, essayiste
et directeur du Musée d’art et d’histoire, épaulé par le jeune
Albert Malsch, futur conseiller d’Etat. Avec cette fresque sur
l’histoire de Genève en cinq actes, il s’agit de frapper les
esprits. Et ils le seront. Très fort. Lors de la troisième
représentation, le président de la Confédération himself,
Arthur Hoffmann, verse une larme. Voire trois.
Pour
que le peuple genevois puisse plonger dans cette œuvre totale, on a
construit au Parc Mon Repos un vaste entrepôt, «un vaisseau»
gigantesque. Il y a plus de mille personnes qui défilent sur scène,
dont un gros orchestre symphonique, devant six mille spectateurs
chaque soir. A la fin du show, scénographié par Adolphe Appia, un
panneau géant derrière la scène s’estompe, dévoilant le lac sur
lequel voguent les répliques des barques confédérées. Imaginez le
bastringue.
«La
Fête de juin s’inscrit alors dans la tradition des Festspiele;
(...) Il s’agit de grands spectacles historiques en costumes, avec
de la danse, des chorales, de la déclamation et des tableaux
vivants.»
S’il
a demandé un travail titanesque et des fonds considérables, des
mois de répétitions et de discussions enfiévrées, l’opéra
patriotique de Dalcroze ne sera exécuté que onze fois. Quand éclate
la guerre de 14, il n’en reste déjà plus rien, si ce n’est des
milliers de partitions et un souvenir vibrant chez tous ceux qui y
ont assisté.
(Extrait
de la Tribune de Genève)
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